Date
11 Jul 2024

« Emmener le fromage partout, surtout là où on ne l’attend pas »

Figure marquante du monde du fromage en général et du Salon du Fromage et des Produits Laitiers en particulier, Xavier Thuret revient sur son parcours et sa vision originale du métier.

Comment êtes-vous devenu fromager ?
C’est une longue histoire…
Elle commence pourtant simplement : mes parents étaient éleveurs laitiers en Seine-et-Marne. Donc je suis un peu comme Obélix : je suis tombé dans une marmite de lait quand j’étais petit ! Ça c’est la première étape : le goût du fromage et des produits laitiers qui m’ont été transmis par mes parents éleveurs. Après, l’école a été très difficile, je n’étais pas fait pour ça et il a fallu que je pense très vite à l’orientation. Comme j’aime bien manger, j’ai voulu faire cuisine ! Mais à 14 ans, j’ai fait un stage chez des amis de mes parents et j’ai été dégouté du métier en trois jours… Et puis, en troisième, je me retrouve pour un job d’été dans la laiterie à laquelle mes parents fournissaient du lait pour fabriquer du fromage. C’est là que j’ai fait la rencontre de ma vie fromagère. Je voyais des gens passionnés par la fabrication de fromage alors qu’il faut bien avouer que les conditions de travail sont plutôt rudes. Dans une laiterie, il fait 34 à 36 degrés, c’est très saturé en humidité et, quand on affine, c’est souvent très froid. C’est très difficile, donc… mais c’est passionnant et on n’arrête jamais d’apprendre ! 30 ans après, je continue à continuer à me rendre, jour après jour, à l’école du fromage…

En 2007, vous devenez « meilleur ouvrier de France ». Qu’est-ce que cela a changé dans votre vie ?
Cela peut paraître bizarre mais, au départ, je n’y allais pas pour avoir le titre mais pour réapprendre mon métier, après 10 années d’exercice qui m’avait conduit à penser que j’avais atteint mon seuil d’incompétence. Alors, en accord avec Lactalis, mon employeur à l’époque et mon meilleur sponsor, j’ai préparé le concours… et je l’ai eu ! Et pour être honnête, par la suite, je n’avais qu’une seule peur, c’était de changer. J’ai mis presque deux ans à oser porter une veste de MOF ! Mais ce n’est pas facile : quand on est meilleur ouvrier de France, on est porteur de quelque chose, on change dans le regard des gens. Maintenant, avec plus de 15 ans de recul et un peu d’analyse là-dessus, je dirais pour reprendre l’expression d’un un grand chef : « on n’est pas MOF, on le devient ». Aujourd’hui, ma mission c’est surtout d’aller dispenser la bonne parole à travers le monde et d’être garant un petit peu de ce savoir-faire fromager et c’est vrai que le col de MOF donne forcément une plus grande crédibilité pour le faire. C’est comme ça : quand on porte un col, au moins on est pris au sérieux…

Avec d’autres finalistes de ce concours 2007, vous avez créé la Ligue des Fromagers Extraordinaires. En quoi cela consiste ?
En 2007, le concours soude une bande de fromagers assez espiègles, assez bruyants on peut le dire, mais assez brillants en même temps. La force de ce millésime 2007, c’est qu’on a toujours plaisir à se retrouver et à faire des choses en commun, même si on est tous très différents. Cela rejoint un petit peu le mouvement que j’appelle « fromaginaire », dont l’objectif est d’amener le fromage au delà de ses limites. Mais attention : ce n’est pas une confrérie fermée ! On est ouvert à tous ceux qui ont envie d’y venir et surtout d’y apporter quelque chose de fun et d’intéressant. C’est d’autant plus important que le fromage est souvent le parent pauvre de la gastronomie française.

Pouvez-vous donner un exemple d’action de la Ligue pour changer ce point de vue ?
Tenez, par exemple : l’un de nos plus beaux faits d’armes, c’est la Fromage Fashion Week, lancée pendant la Fashion Week de Paris. On a monopolisé la rue Boissy d’Anglas tout un dimanche et on a créé un défilé de mode autour du fromage. On a travesti le fromage en accessoires de mode, en rouges à lèvres, en escarpins, en sacs à main, en flacons de parfum. C’est ça qui est intéressant : emmener le fromage partout, surtout là où on ne l’attend pas. Moi, j’aime bien transposer le fromage dans tous les univers, que ce soit le vin, le luxe, le sport ou partout ailleurs.

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