Date
23 Fév 2024

« Quand on entre dans une crémerie-fromagerie, c’est pour accéder au monde des fromages de qualité »

Tout savoir (ou presque) sur le métier de crémier-fromager en France avec Claude Maret (président de la Fédération des Fromagers de France) et David Bazergue (délégué général).

Interview croisée sur une profession en pleine expansion et en plein renouvellement, au cœur du Salon du fromage et des Produits Laitiers 2024.

Comment se porte le métier de crémier-fromager en France aujourd’hui ?
David Bazergue : Le métier de crémier-fromager se porte bien. C’est un métier qui a beaucoup évolué ces dernières années et qui est encore en constante évolution afin de s’adapter à la demande des consommateurs : des produits pratiques, qui ont du goût, qui ont du sens et qui portent les valeurs de notre agriculture, de notre patrimoine.

Claude Maret : On est passé en 15 ans de 1 800 entreprises à 4 400 entreprises ! Deux tiers des entreprises n’existaient pas il y a 10 ans. Maintenant, la tendance est plutôt à la baisse des créations car il y a une saturation à certains endroits. En revanche, il y a de plus en plus de reprises de magasins, avec des prix qui sont beaucoup plus raisonnables qu’il y a 15 ou 20 ans. La profession bénéficie aussi de l’essor des reconversions, venant de personnes qui avaient généralement de très bonnes situations mais qui ont choisi de devenir crémier-fromager pour donner un sens à leur vie.

Qu’est-ce qu’un consommateur vient chercher chez un crémier-fromager qu’il ne trouve pas ailleurs ?
CM : D’abord un conseil et une discussion. Nous sommes passés de vendeur à vendeur-conseil. Avant, les gens venaient chez nous et nous demandaient un morceau de brie. Maintenant ils nous disent « ce soir on est quatre, qu’est-ce que vous me conseillez ? ». Le conseil, ça concerne aussi bien le produit lui-même que son histoire, sa géographie, la façon dont il a été élaboré. Sur le bien-être animal, sur le social, nous avons également mis en place des chartes qui rassurent nos clients. Mais ce qui attire aussi les gens chez nous, c’est que nous avons une offre multiple : on n’a pas qu’un seul Roquefort, un seul Camembert mais plusieurs propositions, avec la possibilité d’orienter le client vers le type de goût qu’il recherche.

DB : La vraie différence, au-delà de l’expertise, c’est que nous avons des produits qui ont été sélectionnés spécifiquement par chaque professionnel et qui vont être amenés à leur apogée gustative.

Avant, les gens venaient chez nous et nous demandaient un morceau de brie. Maintenant ils nous disent « ce soir on est quatre, qu’est-ce que vous me conseillez ? »

Et ça change beaucoup de ce que l’on peut trouver en grande surface ?
CM : Oui, déjà parce que dans beaucoup de grandes surfaces, le rayon à la coupe a été supprimé et tout passe de plus en plus en libre-service, ce qui fait que les gens s’orientent d’abord vers les produits qu’ils connaissent. Et puis il y a l’affinage, ça aussi, ça change tout ! Chez nous, la marchandise arrive, vous allez la trier, vous allez bien la ranger, bien la stocker, la retourner régulièrement, en prendre soin… Dans la grande distribution, le produit arrive, vous le mettez au froid à 5°C et il est bloqué !

Quelles tendances voyez-vous s’affirmer dans la demande des consommateurs ?
CM : Le marché s’est séparé en deux, et cela s’est accentué avec le Covid et l’inflation. Soit vous êtes « premier prix », soit vous êtes qualitatifs. L’autre évolution majeure, c’est sur la clientèle des 25-35 ans : ils mangent mal la semaine mais veulent se faire plaisir le week-end et viennent chez nous. De notre côté, l’offre évolue aussi, avec une mise en avant plus franche des préparations : brie à la truffe, fromages aux noix, aux noisettes, etc.

DB : Cette offre évolue aussi en proposant de plus en plus de restauration ou de snacking. On constate également un véritable essor des bars à fromages, qui rassemblent environ 10 % des projets de création. L’idée, c’est d’être dans la notion d’« univers » : quand on entre dans une crémerie-fromagerie, c’est pour accéder au monde des fromages de qualité et cela pousse le crémier-fromager à travailler la façon dont il peut présenter ses fromages au consommateur mais aussi les produits qui peuvent les accompagner. Cela peut être des confitures, des miels ou des boissons, toujours sélectionnés par le professionnel.

CM : Le vrai plus, c’est quand le crémier-fromager peut proposer des produits locaux. Le client veut du local, de plus en plus. Pour autant, on ne peut pas non plus négliger les fromages étrangers : les gens vont aussi plus souvent qu’avant en voyage à l’étranger et ils souhaitent retrouver chez nous des fromages qu’ils ont appréciés pendant leur séjour.


La formation, cœur de métier

Comment évolue l’offre de formations au sein de la filière ?
Claude Maret : On a su mettre des moyens dans la formation pour que les gens soient compétitifs. On a fait un CQP (certificat de qualification professionnelle) d’une durée de neuf mois pour devenir vendeur conseil. Par ailleurs, on est passé à l’artisanat depuis 2015 et il existe désormais un CAP fromager. C’est fondamental : tous ces diplômes permettent de valoriser et surtout de qualifier le métier, de même que la création du titre MOF Fromager, depuis 2000. Au niveau de la Fédération, nous avons aussi un centre de formation, le CFPL, qui propose de la formation continue en sessions d’une journée. 

David Bazergue : L’offre de formations est très complète, elle part du jeune en apprentissage à travers le CAP crémier-fromager pour aller vers des parcours de reconversion avec le CQP, en passant par des formations plus courtes qui permettent de se poser les bonnes questions sur son projet. En complément, nous proposons tout un panel de formations courtes, de un à quelques jours, sur des thèmes bien spécifiques : technique de coupe, affinage, emballage, décoration de plateau…